Texts

Conférence de presse / Press conference

Hervé Youmbi : Bonsoir. J’aimerais adresser mon remerciement à M. Ondoua, délégué provincial à la culture. Ensuite je dis merci aux nombreux journalistes qui se sont déplacés et aux artistes invités, et enfin aux habitants du quartier qui sont là. Avant de revenir sur le programme de la journée, je cèderai d’abord la parole, comme cela se doit, à M. le délégué, afin qu’il nous entretienne. Ensuite j’essayerai de dire la genèse du projet, comment il a évolué et au fil de la parole jc ou François pourront apporter un peu plus d’eau au moulin. Permettez moi de céder la parole à M. le délégué.

Délégué à la Culture : Je vous remercie également. (…) 45’16 Je voudrais remercier tous les amis du pinceau qui se sont donnés la peine en franchissant les eaux des mers, en voyagant à travers les mers, surtout en ces temps de fin d’année, où cela est presque de rigueur que l’on aime se sentir dans une chaleur familiale. Mais vous avez accepté de faire ces milliers de km pour venir vous joindre au groupe Kapsiki pour que enfin tous ensemble nous célébrions la culture. La culture que nous célébrons aujourd’hui a d’autant plus d’impact que chez nous au Cameroun entre autre cultures, il y a surtout la musique qui prend le pas sur les autres, et qui de temps en temps prennent beaucoup de foule. Et lorsque des initiatives de ce genre pointent à l’horizon pour revaloriser les autres arts, on ne peut que s’en réjouir. Donc, vraiment grand merci à vous tous, grand merci également pour le groupe Kapsiki qui s’est donné cette initiative de ne pas se limiter au seul Douala, au seul Cameroun, mais de rompre les barrières du pays et du continent pour faire appel à d’autres sagesses, d’autres savoirs faire, ce qui permettrait que tous ensemble nous donnions d’avantage de tonus à la culture camerounaise. Tant il est vrai que c’est dans les échanges qu’on se découvre. Je voudrais également dire un profond merci à tous les journalistes. Douala fourmille d’événements, mais le fait d’avoir consenti à être parmi nous témoigne de l’intérêt que vous portez à la culture et surtout à la scénographie. Pour terminer je voudrais louer l’initiative du groupe Kapsiki parce-qu’il a pris l’initiative de se rapprocher davantage des populations et de présenter la face exacte du Cameroun tel qu’il est. Au lieu de se limiter dans les rues de Bonanjo, le groupe Kapsiki a choisi de rentrer un peu dans la peste, dans la lepre des quartiers, du Cameroun. Cela est une initiative qui pourrait susciter des vocations auprès des jeunes. Et pendant le temps que nous allons passer ici, je souhaite à ceux qui sont venus de hors du Cameroun qu’il soit des plus agréable, et qu’il soit porteur de beaucoup plus d’idées pour que ensemble les choses à venir que nous ayons à pousser davantage la culture camerounaise. C’est sur ces petits mots, que je vais remettre la parole pour que nous commencions directement. Je vous remercie. (48’40)

Hervé youmbi : Merci M. le délégué. Je vous parlerai en quelques mots de la genèse et de l’évolution du projet. Scénographies Urbaines, plusieurs personnes se posent la question de la signification de ce mot. Pourquoi la scénographie urbaine, pourquoi le choix du quartier New Bell. C’est très simple. Tout a commencé par une déambulation des 5 membres du Cercle Kapsiki et de jcl ici présent, en 99, dans les rues et les quartiers de Douala. Nous formions alors l’équipe de l’atelier scénographie qui appartenait à un autre projet, initié par Barbara Boulay, qui devait concevoir et faire construire un théâtre itinérant. Nous sommes partis sur les bases de construction des cases ici chez nous et pour cela il fallait voir de près les charpentes, comment elles naissaient, comment elles se fabriquaient, comment elles évoluaient. Nous avons circulé dans les quartiers de New Bell, Bilongué… Pendant que nous déambulions dans ces quartiers, jcl qui lui n’est pas d’ici, attirait notre attention sur des petits détails que nous ne voyions plus, nous habitants de Douala. Et cette somme de questionnements nous a amenés vers toute une reflexion sur l’espace urbain, l’intervention dans cet espace, la place des habitants, l’acte que les habitants posent au quotidien dans ce espace, et ainsi de suite. Nous sommes même allés jusqu’à parler des différents chemins de ville, cad le schéma d’une ville au sud du sahara comparé à une ville du monde arabe ou une ville européenne, américaine. A chaque fois on constatait que le schema était différent et que tout reposait sur les pôles de vie des habitants, leurs modes de pensée, les gestes qu’ils font au quotidien. Nous nous sommes dit qu’il fallait étendre cette reflexion. C’est pourquoi nous avons décidé tous ensemble d’initier ce projet qui est axé sur une somme de questionnements sur nos espaces urbains. A la suite de cette reflexion, le cercle Kapsiki a bénéficié d’une résidence d’une année à l’Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg. Dans cette école, nous avons travaillé avec des étudiants sur le même thème, qui était inscrit au programme scolaire sous la forme d’un ARC. Mélinée, qui est étudiante à l’école de Strasbourg est parmi nous. C’est la preuve que après notre passage à l’ESAD le projet a continué. Et Aujourd’hui nous sommes là pour la réalisation de la première phase de ce projet à laquelle nous avons associé d’autres artistes. Ce sont des artistes, mais il faut souligner que nous n’avons pas la prétention de nous positionner en donneurs de leçons. Faire venir des artistes dans un quartier comme New Bell, ce n’est pas pour amener les gens à enseigner, ou à dire aux gens comment ils doivent se tenir dans l’espace. C’est juste une manière d’associer d’autres personnes, de croiser des regards, de partager ensemble tous ces questionnements sur la notion d’espace urbain. Voilà comment le projet est parti, de sa naissance jusque à aujourd’hui. (…) (5’’10)

J-Christophe Lanquetin : On fait une chose très simple. L’ensemble des artistes ici rassemblés, d’où qu’ils viennent, passent plus de trois semaines à vivre à NB. Certains dans des hôtels, d’autres chez l’habitant, dans des foyers. A vivre et à travailler, le plus librement possible pendant ces trois semaines ici au quartier. Il n’y pas d’autre contrainte que celle que chacun d’entre nous propose, à la fin de ces trois semaines, réagisse en tant qu’artiste, pose des actes, dans la ville, dans les rues, dans les maisons, où ils veut. Nous ne faisons que cela, et c’est déjà beaucoup. Tout cela doit déboucher sur trois journées de festival, qui auront lieu les 3/4/5 janvier. On ne peut pas encore vous en donner le programme, car il n’est pas question de mettre la pression sur quiconque, sur le fait qu’il faut donner des éléments, decrire très tôt les choses. Elles peuvent se construire dans une logique d’arts plastiques, cad s’inventer très tard, sous la forme de performances, presque improvisées si certains le souhaitent. D’autres préparent leur projet depuis très longtemps, et sont ici dans une phase de réalisation. On sait en tout cas que pendant trois jours il va se passer beaucoup de choses ici. Des installations, des spectacles, des performances, un défilé de mode, des expositions, des débats, des rencontres, tout un tas de formes qui sont pour nous les formes multiples de la création contemporaine aujourd’hui. Et ces formes seront une réponse ou réaction des artistes invités et des artistes camerounais à l’environnement dans lequel ils auront vécu.

Hervé Yamguen : Je pense que le fait d’être là, dans ce foyer, est déjà pour nous un acte politique. Habituellement nous avons toujours fait nos expositions en dehors des quartiers, en dehors des lieux où notre imaginaire s’est construit. A des moments cela a été pour nous une façon de renier l’espace où on est nés. Et aujourd’hui on est dans cet espace pour dire que voilà, on est là ; et c’est à cet endroit qu’on a envie de construire, on a envie de partir de là pour faire des choses. C’est vachement fort, pour moi, en tant que membre du collectif, en tant qu’habitant de New Bell, d’être là pour parler de ces choses. Je suis né dans cet environnement et chaque fois que je voyage, c’est cet environnement qui constitue le socle de ma vie. Je le revendique partout où je suis. Etre là c’est aussi cela. Etre là au nom du collectif Kapsiki, c’est une multiplicité d’imaginaires dans cette ville, qui ont envie de dire que voilà, nous sommes des gens du monde, on est ici et notre envie c’est de partager cette expérience avec des gens d’ailleurs. Ca m’a vachement fait rigoler et j’étais hyper content tout à l’heure quand Justus Kyalo m’a dit… Je lui ai posé la question, « est-ce que tu as déjà un projet », il m’a dit « of, être ici c’est déjà un projet ! ». Voilà. Etre ici c’est déjà un projet. Pour quelqu’un qui ne connaît pas cet espace, c’est déjà troublant. C’est déjà une expérience intérieure qui nourrit d’autres choses. Et pour nous Kapsiki et ScUr&°k, au départ de notre rencontre c’était cela. Quand on est allés à Strasbourg pour une année de résidence, il y a cette chose là qui nous a bouleversés. Etre là dans un environnement qu’on ne connaissait pas, un environnement qui était au dedans de nous par des livres, par la langue, francaise qu’on parle depuis des années, par une espèce de chose, et qu’arrivés là bas on ait été obligés de se désilusionner de plusieurs bêtises qui nous étaient foutues dans la tête. Aussi c’est ça, être là à interroger l’espace urbain, avec des regards d’ailleurs, c’est être dans ces envies de s’ouvrir au monde et de casser des choses de l’ordre du stéréotype qu’on peut avoir tous. Je pense uneautre chose, intéressante à partir du moment où cela se passe dans un quartier populaire comme New Bell. Nous avons une histoire très forte avec l’Europe, avec la France, l’Allemagne, avec d’autres cultures qui sont dans notre pays. Ce sont des choses qui tout le temps ressurgissent, et cela m’amuse énormément parce-qu’il y a ce complexe là que j’ai appris à tuer, ce complexe de mon rapport avec le blanc. Quand je parle « le blanc », je parle pas de l’Europe, je parle de la peau blanche, de tout ce que cela peut-être en termes de culture. Et dans un quartier populaire comme celui-ci c’est aussi travailler cela. Ce n’est pas évident tous les jours qu’il y ait des européens qui sillonnent là, qui sont là tout simplement à boire une bière, à parler avec les gens, et que du fait de cette prise de parole qu’il y ait tout à coup des tas de choses qui ressurgissent. Nous, on a vécu, je parle de mon expérience personnelle, Yamguen, et de l’expérience de tous les membres du collectif, et c’est aussi l’expérience des membres de ScUr&°k en venant ici, d’être dans cet espèce de truc, de noir et blanc, d’arabe, d’européen, africain, c’est aussi cela, être là. Et nous avons tout simplement voulu être dans ce foyer, au milieu des gens pour parler de ça, pour être avec vous et pour pouvoir se raconter cela, parce-que cela s’ouvre à nous et que chaque fois qu’on a envie de boire une bière devant une rue, avec un blanc, un arabe, un libanais, cela nous saute toujours aux yeux et voilà, on se pose toujours des questions. (changement de cassette) Question d’un journaliste : – J’aimerais savoir ce que le ministère de la culture entend apporter concrètement à cette initiative ?

Délégué à la C : Merci bien. C’est une des questions les plus récurente. C’est de savoir ce que le ministère apporte aux initiatives culturelles qui émergent des artistes. Beaucoup les voient sous un angle beaucoup plus matériel ou financier, mais je dois dire qu’il y a beaucoup de type d’initiatives. Elles ne se limitent pas seulement au financier, mais cela commence d’abord par l’encadrement, en termes de conseil, en termes de suivi, et on ne peut pas financer un projet qui n’est pas suivi. Tant il est vrai que quand on ne sait pas de quoi est fait un projet, il n’est pas aisé de l’appuyer. Lorsque le groupe K a saisi la délégation provinciale de la culture, nous avons cheminé ensemble dans l’élaboration de ce projet, nous avons travaillé le ventre mou de ce projet, nous avons travaillé ensemble la rédaction des correspondances, nous avons pensé ensemble les ordonancements de ce projet, et jusque à demander à la tutèle si elle pouvait dégager ne fut-ce que quelque chose de concret pour pouvoir appuyer cette initiative. Il n’y a pas deux semaines que je leur faisais feed back de mon dernier voyage à Yaoundé, et qui ne rentrait pas spécifiquement dans le cadre du projet Kapsiki. Le fait est qu’il faut aussi savoir s’y prendre à temps. Même lorsque voici les périodes de fin d’années, lorsque vous n’avez pas prévu d’offrir une paire de sandales à votre fils et qu’il vient à vous, lorsque cela n’a pas été programmé, cela n’est pas évident de le faire. Donc c’est en termes de conseil que je dirai que c’est bon de saisir la tutèle longtemps à l’avance pour pouvoir savoir ce qu’on peut bien dégager de concret. Pour ce qui est du cas de tout à l’heure, je vois que lorsque je leur ai fait le feed back, je leur ai dit que la prochaine échéance, ce que j’ai eu de la hiérarchie, ils vont apporter une contribution beaucoup plus matérielle que cela n’a été le cas tout à l’heure. Sinon, il y a l’aspect encadrement, conseil, merci.

Journaliste. A vous écouter, on a l’impression qu’il s’agit ici d’un art de transposition par rapport à un espace, et aux divers milieux où l’on vit, à moins que je ne me trompe. Au niveau de ce quartier NB que vous avez choisi, qu’est-ce que cela peut apporter concrètement aux populations, c’est ma première question. Et ma deuxième question, lorsque on se rend compte, à NB, (…) c’est tout un ensemble qu’on essaye de refaire vivre,(…) ceux qui sont arrivés et qui vivent ici, ma question va s’adresser à jcl, quelle a été leur première impression, et comment comptent-ils faire vivre cet art à ces populations. (05’00)

H Youmbi : J’aimerais répondre au premier volet, l’apport de ce projet à la population. Nous avons choisi NB comme espace et support de ce projet, c’est parce-que dans un premier temps, NB, c’est un quartier populaire, et dans un second temps parce-qu’y réside Hervé, qui y a toujours vécu. Quand je dis quartier populaire, notre choix se porte sur le premier quartier populaire de la ville de Douala. Et ce premier quartier, c’est NB. Ce sont toujours des espaces qui ne rentrent pas vraiment dans le circuit que l’on trace pour la visite de la ville. Cela ne rentre pas vraiment dans le tableau des visages de la ville que l’on présente à l’extérieur. Très souvent lorsqu’il y a la visite d’une haute autorité, dans le pays, c’est difficile que le cortège passe par NB, par Bépanda et autres. Nous avons choisi de venir ici et echanger avec lapopulation parce-que nous jugeons que le projet de sc ur est un projet qui s’ouvre à tous et particulièrement à ceux qui sont considérés comme parias de la société, c’est un peu dûr, comme la gangrène de la société. Si je le dis, c’est que même à l’extérieur lors d’une rencontre entre professeurs et étudiants à Strasbourg, dans un document sur la ville, il y a un expert qui jugeait qu’il n’y a pas de ville en Afrique, qu’il n’y a que des bidonvilles. Très souvent, même si on ne le dit pas il y a des personnes, même ici au Cameroun qui jugent que NB c’est le propre du bidonville. Notre souhait c’est de prouver qu’on peut trouver dans cet espace là, des choses intéressantes. Trouver à travers un echange avec la population et des personnes qui ont la pratique d’un espace de vie totalement différent du nôtre, prouver que l’on peut faire de NB un espace idéal de vie, un modèle. Il y a ensuite le souci de vouloir confronter la production contemporaine à la vie concrète des populations. Il y a des designers dont le projet consiste à travailler avec des femmes, par ex des vendeuses de beignets et concevoir du mobilier contemporain pour ces mamans qui vendent des beignets au bord de la route. Qu’est-ce que NB tirera de ce projet : déjà ces artistes étrangers vivent à NB, c’est un choix que nous avons voulu, car très souvent on les loge hors des quartiers comme NB, et qu’ils viennent parfois intervenir dans le quartier. Nous n’avons pas voulu de ça, nous avons voulu que les habitants se frottent à ces étrangers, que ces étrangers vivent dans l’espace, communiquent avec les habitants, afin de rendre le plus près possible ce qu’ils pensent pouvoir être juste par rapport à cet espace urbain ; en tenant bien sûr compte de leur espace à eux. Je peux également dire que sur le plan économique NB y gagnera énormément dans la mesure où nous sommes installés dans des hotels à NB, donc les sous restent à NB ; c’est vrai la restauratrice qui s’occupe de nous est de NB, nous travaillons avec les jeunes de NB, c’est aussi un domaine qu’il ne faut pas oublier. Il est également prévu que quelques actes soient posés par des artistes tels que des fresques, des scupltures, et je crois que cela fait partie de ce que la population gagnera.

H Yamguen. J’ai le sentiment d’une chose. On ne peut pas naître dans un endroit et venir trahir l’endroit où on a enterré notre cordon ombilical. En tout cas je suis natif de NB, je fais partie du collectif et que le projet se passe ici, pour moi cela a énormément de résonnances. A cause de beaucoup d’utopies de notre collectif. J’ai plutôt envie de parler des expériences personnelles liées à des expériences du collectif. A partir du moment où tu voyages, tu vas en Europe, tu voyages dans d’autres espaces, et que tu débarques à l’aéroport ; tu prends un taxi, et ce taxi se met à rentrer dans la ville, dans le quartier où tu vis, que tu sillones avec tes propres amis. Connaissant l’expérience et les structures d’autres villes, il y a beaucoup d’évidences qui se produisent. Parce-que ta vile devient autrement, tu commences à la rêver autrement. Ca fait 31 que je suis né ici, et au même moment, ma ville n’a pas beaucoup changé. Je sillone tout le temps les mêmes coins, les mêmes recoins, je rencontre les mêmes personnes, les mêmes baraques, elles sont là, elles vieillissent et au même moment nous avons un projet artistique, avec mon collectif, on rencontre d’autres personnes ailleurs qui ont des préoccupations esthétiques par rapport à la ville et on se dit, c’est pas possible, on vit dans une ville, comment on peut faire partager ces expériences là. Il y a des facades des maisons, il y a des tas de choses, et notre expérience humaine qui passe par ces rencontres, on a envie que cela se passe là, que cela se passe à NB. Cela peut se passer à Bépanda, à Bilongué, Village, cela peut même se passer à Bonanjo. La question n’est pas seulement celle du lieu, la question je pense c’est plus élargi. Si on vient à NB, bien sûr il y a la question que c’est un lieu populaire, mais il y a autre chose. C’est qu’on a envie d’être dans un lieu avec des gens et de se dire avant tout qu’on est des êtres, qu’on soit de New York, qu’on soit de Paris, ou qu’on soit de Beyrouth, du Caire, et que c’est des questions qui nous traversent, chaque fois qu’on est quelque part. On a envie d’améliorer notre environnement, tout le temps. L’espace où on vit, c’est là où on meurt, c’est là où on est (nait ?), c’est là où on nous enterre. Aujourd’hui qu’est-ce qu’on va dire, qu’est-ce qu’on va dire ? Dites moi ? qu’est-ce qu’on va dire. Je ne sais pas. Ca va être dans une baraque vieille, là, pas peinte ; si je peux la peindre, je vais la peindre. Si je peux inviter des amis à la peindre, on la fera. On essaye cette utopie, pourquoi pas.

Journaliste CRTV : Je veux donner mon sentiment sur ce projet ; j’apprécie que les artistes camerounais aient franchi le pas, quelque part, de l’utile. Il y a un débat qui traverse le pays, un préjugé qu’on met sur les artistes, sur leur contribution à l ‘édification du pays. Jusque là des gens n’ont pas vu concrètement l’implication des artistes, et voilà un projet qui démontre que l’art est utile, n’est pas que évasion, au sens aérien du terme. Ici, il y a contribution. J’ai une préoccupation et une inquiétude. Il ya quelques années, Souménié installait le monument de la nouvelles liberté, financé par un certain nombre d’associations et soutenu par Doual’art. Ils ont installé ce monument que les camerounais ont baptisé le Djudju, et ont refusé d’ailleurs. Les gens l’ont dit de manière publique. Mon inquiétude c’est un peu la réaction de la population et même des autorités dans une ville où les artistes veulent laisser des traces pour que cela change ; et ils ont un écho souvent défavorable. Du coup je me pose laquestion de savoir est ce que cette semaille va avoir de la résonnance. Est-ce qu’il y a eu des connexions avec la mairie par exemple, parce-que vousposez ici un problème qui engage les services d’urbanisation. Est-ce qu’il y aura de la résonnance ? (…) Est-ce qu’il y aura une suite d’un projet comme celui-là, par rapport à New Bell ?

Francois Duconseille : Si je n’ai pas encore parlé c’est que je suis un peu périphérique au projet qui a été d’abord initié par les Kapsiki et jcl. Je me suis joint au projet il y a un peu plus d’un an mais je ne suis pas à l’initiative de la chose. Surtout que je travaille dans l’association Scurk avec jcl.d’où ma réserve. J’aimerais répondre concernant les suites ou les incidences concrètes du projet à NB. C’est un projet d’artistes, nous ne sommes pas des urbanistes, on est pas à gérer la condition matérielle du quartier, qui effectivement nous saute à la figure quand on arrive là, et qu’on a du mal à intégrer parce-que c’est vrai qu’on peut se dire qu’est-ce que cela veut dire de faire de l’art dans un quartier où d’abord il faut s’occuper des rues, ensuite il faut s’occuper des égouts, et il y a plein de choses comme cela dont il faut s’occuper parce-que c’est clair qu’il y a plein de choses à faire ici et que ce n’est pas fait. On est pas là pour cela, et que malgré tout, on considère que notre présence est « utile » même si ce n’est pas une utilité concrète et immédiatement objectivable, monayée. Je pense que notre présence est d’abord symbolique, elle est de nommer ce qui est comme le dit Hervé, de l’utopie ; qui est de considérer qu’on peut franchir les barrières, qui sont à la fois des barrières culturelles, raciales, sociales aussi puisque nous sommes dans un quartier socialement défavorisé. On a aussi une volonté de considérer que si on est artiste, on est artiste pour tout le monde, et qu’on l’est pas seulement dans les galeries européennes, ou très chic qui font le circuit de l’art contemporain en ce moment. On confronte aussi notre art à cette réalité là. Pour ma part je rejoins cette expérience là, et je sais que cette expérience m’enrichit, elle change ma vision des choses, et quelque part elle change aussi ma pratique artistique. Après, pour ce qui va être de la réception des populations, c’est une autre affaire. Je pense que ce n’est pas seulement lié à la question du quartier ou à la question de la ville de Douala, je pense que c’est une question beaucoup plus générale de la façon dont les gens, partout dans le monde, reçoivent une production qui effectivement peut les dérouter parce-qu’ils ne la comprennent pas, parce-qu’ils ne la connaissent pas, et que souvent face à l’autre, qu’il soit étranger ou qu’il soit « artiste contemporain », c’est à dire qu’il pose des questions nouvelles… Ce problème là il est général et de tous les temps. On a craché sur les impressionistes, on a craché sur les cubistes, on a craché sur les artistes qui s’avancaient un peu au delà de ce qui était connu. Nous on connaît cela, on sait qu’on aura pas forcément des fleurs, on sait qu’on aura des insultes, on sait qu’on aura de l’incompréhension, mais on sait aussi que parmi certaines personnes qu’on aura rencontré, il y aura quelque chose qui se sera déplacé. Et c’est ça qui nous intéresse, c’est qu’il y a quelque chose qui se déplace à un moment. Et peut-être que cette petite chose qu’on déplace, cette fameuse théorie du chaos où un vol de papillon à Pekin produit un raz de marée je ne sais où ; et nous on est là, on est les papillons. On est là pour battre les ailes et pour se dire que peut-être notre bâtement d’ailes il va peut-être provoquer une petite prise de conscience, une petite façon de changer les choses et peut-être des effets plus importants. On est pas là pour ça, c’est la première fois qu’on est là, c’est la première fois qu’on fait cela, c’est vraiment une expérience, on est en terrain inconnu. On avance des choses qui je crois ont été rârement faites dans ces conditions là. On ne sait pas ce que cela va donner, on ne sait pas si cela va réussir, mais déjà comme le disait Justus Kyalo, le fait d’être déjà là, c’est déjà un projet. Et c’est vrai que par rapport aux artistes, on a pas d’exigence de production, parce-qu’on sait les efforts que cela demande d’être déjà là et d’intégrer toute cette réalité là. Mais si après de petites choses émergent, ce sera déjà fantastique.

Délégué à la culture : Je voudrais ajouter quelque chose. Votre préocupation est normale et légitime mais ce qui a toujours entouré l’Art, c’est la relativité dans la conception que les uns et les autres se font. Mais en decà de cette relativité, je crois qu’un artiste se doit de persévérer. Un objet d’art, tout de suite lorsque vous êtes face à un objet d’art, cela peut-être du rejet. Mais au fur et à mesure que le temps passe, on commence à s’interroger face à cet objet d’art et on se fait un questionnement qui peut-être soit en relation avec la personne physique qui est face à cet objet, soit vis à vis de la société toute entière. Vous avez donné un exemple, si certains avaient trouvé le monument de la nouvelle liberté comme un « njudju », encore que je ne sais vraiment pas si cela est péjoratif, mais toujours est-il que dans les populations certains trouvaient cela merveilleux. (…) Il n’y a pas très longtemps, quelqu’un venu d’autres cieux, a fait le tour de Douala et ce que lui a trouvé de merveilleux, c’est justement notre fameux « njunju » que certains rejettent. Mais en deçà de tout cela, l’artiste se doit de persévérer. Et au fil du temps,on se dit, qu’est-ce qu’il se cache derrière cet objet d’art, qu’est-ce qu’on peut en faire, qu’est-ce qu’on peut tirer de cet objet d’art. C’est cet ensemble de questions qui peut faire en sorte qu’on y trouve quelque chose qui soit ….(24’29) Et maintenant par rapport au projet Kapsiki et ce qu’il va en découler. Il va devenir ce que nous aurons voulu qu’il soit. Lorsque vous journalistes qui êtes les portes parole de ceux qui n’ont pas suffisament de voix pour porter haut leur message, la seule répercution que vous ferez de ces assises, fera en sorte que les gens vont se demander qu’est-ce qu’il va germer de là. Et face à cette médiatisation, les gens se diront « nous n’avons pas droit à décevoir ceux qui nous ont entouré ». Et aussi l’art c’est ce qui reste à travers les sculptures et dessins qu’ils vont faire à travers les murailles, les gens vont se demander « au fait qu’est-ce que cela signifie ? « Le seul fait déjà de trouver des gens qui viennent de partout, les gens vont se demander, « mais qu’est-ce qu’il y a là bas ». C’est déjà quelque chose. Et si les gens sont venus de par le monde, car là nous sommes dans le monde, dans cette petite salle, cela fait déjà quelque chose, et les gens attachent du sérieux à cela. Si les gens se déplacent à travers le monde, c’est que ce n’est pas du bluff. Il nous reste à continuer à sensibiliser, à davantage présenter, expliciter notre projet par rapport aux populations qui entourent….

Journ CRTV : Permettez moi d’insister : très souvent les artistes font des projets, les médias en parlent, il y a une large médiatisation, les artistes produisent, mais il y a un grand silence, assez choquant d’ailleurs de ceux qui ont le pouvoir de décider, de donner des sous pour ces projets. Quelle garantie donnez vous à ce collectif qu’il y aura une certaine résonnance, qu’il y aura une suite, une perspective au projet, qui interpelle, pas seulement les artistes, pas la délégation, mais d’autres personnes qui sont des professionnels.

M.Ondoua, Délégué à la culture : Je vais vous dire quelque chose de tout à fait simple, vous ne pouvez pas partir du Cameroun pour la Guinée Equatoriale, sans que vous ayez des explications valables. Donc le fait déjà que les gens se soient déplacés, qu’on les ait invités, les pouvoirs publics qui entourent le domaine de la culture savent déjà qu’il y a une manifestation qui se déroule quelque part. Il n’y a pas que les pouvoirs de la plus grande autorité du littoral, je pense notamment au Gouverneur, les mairies, les commissariats, tout a été saisi pour que cela soit un projet « purement administratif ». Maintenant, par rapport au suivi, je crois, lorsque je suivais les parents du projet, ils se sont donné la sagesse d’impliquer d’abord les populations riveraines. Les populations riveraines sont membres à part entière, sont impliquées dans ce projet. (…) Qu’est ce qui va constituer la suite de ce projet par rapport au ministère de la Culture. J’ai répondu en disant que, à cette première phase où nous avons étés pris par les délais, la prochaine étape du projet verra une participation beaucoup plus probante et concrète de la tutèle.

Journ Anglophone. (28’55) Je voudrais connaître le sens de ScUr&°K et de Kapsiki. (rires) Ensuite je voudrais que M Jc nous dise comment il s’est senti le tout premier jour que vous êtes venu à New Bell. Etait-ce hell, heaven, or the earth ? (la question est en anglais)

JcLanquetin : Kapsiki, ils vous expliqueront. ScUr&°K est l’abréviation de scénographie urbaine et cercle Kapsiki. C’est très bien parce-que très imprononcable dans les discours. La première fois que je suis venu ici, c’est vraiment ça. C’est pas une question d’impression sensible, pas du tout. Impression sensible, j’étais très bien, j’étais avec des amis que je rencontrais, c’était d’évidence une très importante rencontre dans nos histoires et nos parcours. Je suis scénographe au départ, je travaille vraiment sur l’espace. Et ; si, c’est quand même une impression esthétique qui a été au début ; ce qui m’a énormément frappé, ce sont les qualités d’espace, les qualités de lumière, les qualités de pénombre… C’est arrivé par des impressions esthétiques mais ce qui était évident pour moi c’est que c’était une ville. Il n’y avait aucun doute. Et c’était un environnement urbain, certainement pas un bidonville comme on se tait là dessus, un espace urbain donc, radicalement différent de ce qu’on appelle « la ville », c’est à dire la ville européenne. C’est la première impression. Ca a été l’objet de dizaines de questions, de discussions. Progressivement, la confiance venant, on m’a raconté comment cela fonctionne, on s’est baladés, on a circulé dans des endroits que je n’imaginais pas. C’est dans tous ces moments là qu’est né le projet. Très vite on a oublié la première impression, car ce qui est derrière cela, et que nous défendons absolument, c’est que la ville africaine contemporaine, et pas la ville coloniale, est un modèle de ville. J’en veux pour preuve qu’un certain nombre d’urbanistes dans le monde entier qui commencent à regarder des villes comme Lagos, comme Arusha, comme étant de l’espace urbain contemporain. Il y a même des gens qui commencent à dire très clairement en Europe que dans 50 ans les grandes villes européennes ou américaines seront comme cela, auront à voir avec cela. C’est cette chose fondamentale qui est de dire qu’ici ce n’est pas rien, ce n’est pas un creux, c’est la ville où vivent la plupart des gens vivant en Afrique aujourd’hui. Et en plus c’est ce qui les nourrit dans leur travail de créateurs. C’était aussi arrêter avec cette schyzophrénie là. On se nourrit du quartier et on va exposer dans les galeries toutes blanches en Europe. C’est tous cela qui part de ces rencontres. Et toute l’histoire du théâtre itinérant d’Eyala Pena qu’on a construit ensemble, c’est la même histoire. On s’est complètement nourris de cela.

H Yamguen : Je pense, quand Sergio parlait ; il y a autre chose qui nous questionne aujourd’hui au Cameroun, à Douala ; comment est-ce que nous avons envie d’avancer sur des questions d’urbanisme, ou bien intégrer les artistes à l’évolution, à faire fabriquer notre ville. Il y a ça. Comment se fait-il qu’une association comme Doual’art avec Souménié, qu’il y ait un projet qui se mette en place, qu’une très belle sculpture comme celle là se mette en place à Deido, et qu’il y ait des tas d’insultes, des tas de choses qui ressurgissent tout simplement parce-qu’il y a eu un objet. Ca veut dire qu’à l’intérieur même de notre environnement il y a des questions culturelles qui sont posées. C’est pas juste cet objet, c’est nous qui sommes dedans, charcutés. Qu’est-ce qui se passe, pourquoi ? Evidement je suis dans une espèce de gène, le collectif aussi, d’être là, de revendiquer des choses, et au même moment, de se rendre compte qu’au fond, qu’est-ce qui faut même, quoi. J’ai un malaise. On est allés à l ‘Ecole Supérieure des Arts Décoratifs de Strasbourg, on avait une bourse de l’AFAA… A l’intérieur de cette bourse on se rendait compte que c’était pas le problème du Cameroun. De toute façon, partout où on allait on signait Cameroun, on portait l’imaginaire de nos quartiers. On signait Cameroun. Mais au même moment quand on revient dans notre propre pays, c’est hyper difficile d’expliquer ces choses là. C’est hyper difficile, parce-que au même moment on est presque taxés de blancs. Et c’est gênant, c’est gênant. Alors que cela fait des années qu’on vit ici, on se déplace, on va ailleurs,voilà, il y a des choses à l’intérieur, qui bougent. On a envie de poser des actes dans notre propre environnement, pour faire avancer des choses, mais on se demande au même moment si c’est à l’intérieur de notre culture que des choses ne bougent pas. On est où ? Je ne sais pas.

H Youmbi : Kapsiki, parce-que nous nous identifions à ce pic qui est situé à l’extrème nord du pays. C’est un pic, c’est une montagne, c’est une structure solide à la base, et qui s’élève. Donc le cercle s’identifie un peu à cette structure, un ensemble de personnes qui se tiennent par la main pour surmonter les difficultés qu’ils trouvent dans leur profession. C’est vrai qu’aujourd’hui on arrive de plus en plus à faire des choses parce-qu’il y a des gens qui commencent à croire en nous, des espaces comme l’Espace Doual’art, la galerie Mam qui nous ouvrent leurs bras, la délégation qui nous appuie. Donc de plus en plus il y a des choses qui se font. Nous nous serrons les coudes pour pouvoir surmonter les difficultés que nous rencontrons sur notre chemin.

Marylin Douala Bell. J’ai trois commentaires à faire et une question à poser. Le premier commentaire est un élément de réponse complémentaire à ce qui s’est dit tout à l’heure concernant qu’est ce que ce groupe, cette opération va laisser concrètement ici à New Bell. La première chose que je voudrais dire c’est que New Bell aujourd’hui et hier ailleurs, d’autres choses dans le même sens, ce qui veut dire que ce qui se passe ici pourra demain se passer dans d’autres espaces de la ville de Douala, et peut-être ailleurs…il y a une chose très importante à comprendre, c’est que l’homme ne vit pas seulement de chair et d’eau. L’homme vit aussi d’imaginaire. Et le fait que les Kapsiki amènent un projet comme celui-ci ici, à New bell, c’est de laisser concrètement aux habitants de New Bell une capacité d’interrogation, d’interpellation sur leur réel, leur environnement. Et ça, vous ne pourrez peut-être jamais le mesurer mais c’est véritablement quelque chose d’essentiel. Qu’est-ce que cette opération va laisse concrètement, il y a beaucoup de réponses, (…) l’imaginaire est une chose essentielle surtout dans un pays où il n’y a pas d’éducation culturelle, artistique dans les établissements scolaires, dans un environnement où on assiste à la dégradation de nos murs, de nos villes, cette interpellation est très importante. Deuxième élément, il y a ici à New Bell un grand nombre d’associations culturelles qui existe, j’ai vu dans le dossier de presse que elles sont citées, en tout cas les associations de jeunes. Mais quand ces associations ont quelque chose à faire dans l’espace culturel, elles ne savent pas véritablement vers quoi s’orienter, et cette opération à NB peut aussi leur donner la possibilité de donner un sens à cette question culturelle. Je me souviens d’une opération que nous avions faite à Madagascar, la fresque de Madagascar. Quelques semaines après la fin de cette opération, il y a eu dans le quartier un certain nombre de murs qui ont été peints spontanément par les gens, sans que ni les artistes, ni Doual’art ne les poussions à le faire. Il y a eu le désir par des personnes qui avaient vu cela de s’exprimer aussi de cette manière là. C’est donc une interpellation, et peut-être aussi ouvrir une porte sur une capacité, possibilité de s’exprimer. Le troisième élément concernant la relation avec le ministère de la culture. On ne se fait pas d’illusions sur le fait que le ministère à l’heure actuelle est assez désarmé pour impulser une dynamique culturelle. Mais il y a des personnes, au sein du ministère de la culture, on en a pour preuve la présence de M.Ondoua, qui ont envie d’être présents, de participer, et à force d’inviter ces personnes à être aux cotés des initiatives privées qui existent, cela peut à un moment donné stimuler quelque chose au sein du ministère de la Culture. Mais de toute manière l’initiative qui est autonome par rapport aux autorités a son sens, et le lien avec les autorités locales, la délégation, est essentiel. En ce qui concerne le « Njunju », deux choses. La première, c’est que je ne suis pas sûr, et si vous voyez la presse qui est sortie en juillet 1996, quand la nouvelle liberté de Soumenié a été installée, il y a eu des papiers très très positifs sur cette sculpture, sur le parti pris esthétique. J’avoue personnellement que je ne la trouve pas particulièrement belle, je la définirais pas ainsi, mais elle est pertinente, elle a un sens par rapport au réel de notre vécu ici au Cameroun. Vous verrez, et là je réponds à Sergio que cette sculpture a été très très bien accueillie. Par la suite il y a eu des remous et qui n’avaient rien à voir avec le parti pris esthétique, avec l’implantation de l’œuvre sur ce rond point. C’était quelque chose qui était un peu en dessous de la ceinture, et qui à ce moment là… les gens ont commencé à parler du Njunju, c’était une certaine presse, un peu fasciste, je dirais (réactions dans la salle)…. Elle existe encore, j’ai des coupures de presse, ce que je veux dire, c’est que ce qui est important avec cette sculpture, c’était sa capacité d’interpeller les gens. Et je pense quel’art a une fonction d’interpellation et ce qu’il se passe ici à New Bell a une fonction d’interpellation quelque soit ce que l’on en pense, parce-que je pense que les artistes qui ont organisé cette opération à New Bell, nous partageons tous cela, peu importe qu’on aime ou qu’on aime pas ce que l’on fait, l’important c’est qu’on suscite une émotion, une réaction. Une dernière chose en termes de commentaire, lorsque un Camerounais commence à donner un nom local à quelque chose, ça veut dire qu’il se l’approprie. Qu’on l’appelle « njunju » ou n’importe quoi d’autre, je ne vois pas quelque chose de négatif là dedans, cela veut dire que les gens peuvent enparler en toute liberté, et en ayant maintenant décidé que c’était quelque chose qui appartenait à leur culture. « njunju », c’est vraiment quelque chose qui appartient à la culture locale et les gens l’appellent comme cela, cela veut dire qu’ils se la sont appropriée. Ma question : j’aimerais savoir, puisque dans le groupe, il y a un certain nombre de camerounais, j’aimerais savoir si au delà de l’opération ponctuelle qui est en train d’être vécue aujourd’hui et qui a son sens, est-ce qu’il est décidé, prévu, de poursuivre quelque chose. Cette question liée à l’expérience que nous nous avons dans le passé, et on se rend compte que les opérations ponctuelles suscitent quelque chose dans l’esprit, et donnent envie de faire autre chose par la suite. Il y a une suite non maîtrisée, involontaire, cela enfante quelque chose, mais est-ce que dans la conception du projet de scénographies urbaines à New Bell aujourd’hui, vous avez l’intention de faire quelque chose post, le mois de janvier 2003 ?

H Youmbi : Merci pour la question. Je dirai dans un premier temps, que le but de ce projet c’est d’aider à la structuration du Cercle Kasiki. Et il est clair que depuis 98 que le cercle existe en tant que cercle, parce-que nous les membres, nous nous connaissons depuis 10 ans, nous avons déjà, que ce soit avec Doual’art, avec d’autres personnes, initié et réalisé des projets qui allaient dans ce sens. Je pense par exemple à Hors les Murs. Il est clair que à la suite de cette résidence, le cercle initiera d’autres projets. Nous essayerons de canaliser les choses et de créer un suivi. Par rapport à la suite immédiate, il ya une exposition qui sera réalisée, le vernissage aura lieu le 5 à la galerie Mam. Cette exposition présentera les traces de tout ce qui aura été fait pendant la résidence atelier. Et ensuite cette exposition sera présentée au Goethe Institut, à Yaoundé. Voilà pour la suite immédiate. H Yamguen : L’un des projets les plus importants du collectif depuis que nous nous sommes réunis, il y avait derrière cela un rêve. Et que il a fallu du temps pour se rendre compte, dans toutes les questions à gérer, les trucs administratifs, négocier les trucs à coté, il a fallu du temps pour arriver à se dire que pour nous aujourd’hui cela devient une évidence d’avoir un lieu de résidence et que nous sommes en train de construire cela. Cela va être dans un avenir très très proche, mais on préfère prendre du temps pour faire des choses modestes mais qui tiennent. Nous on a vraiment envie de faire des choses modestes, on a pas envie de rentrer dans une logique où financièrement, ça va nous trancher la tête. On préfère structurer les choses modestement. L’enjeu pour nous, tout simplement, c’est d’avoir un lieu, à Douala, on est en train de chercher un espace, où un artiste qui part de New York là bas, qui part de Paris là bas, dès qu’il arrive ici, il sait qu’il y a peut-être une petite chambre quelque part à Bali, NewBell ou Bépanda, où il peut venir poser sa tête. Il y a quelques bouquins d’art là dans un coin, il peut frapper ses textes, il y a un bout de mur où il peut expérimenter des choses, et on boit une bière au coin d’une rue. C’est simplement comme on vit. On a pas à mettre les choses au delà de nos moyens, du quotidien. Notre projet, dans les jours qui viennent, c’est de stucturer un espace pareil. Et bien sûr qu’il y a pas mal de projets dans nos poches. Cela fait plus de10 ans qu’on les traine, nos utopies. On les traine mais ça prend du temps. Un acte que tu poses en deux heures de temps, en 4 jours, tu le prépares un mois à l’avance, et cela te suce de d’énergie, et on sait bien ce que c’est que de préparer un projet ici au pays.

Journaliste : Ma question s’adresse à M. Youmbi et Yamguen. Vous êtes coiffés façon Bob Marley. Est-ce que c’est un choix du Cercle Kapsiki ?

H Yamguen : C’est une question de choix personnel. Chacun a envie de se coiffer comme il veut, il a des dreads locks, peut-être un matin on va raser cela. Je ne sais pas, moi, c’est peut-être une forme de dire qu’onvit, on porte ce qu’on a envie sur la tête. De toute façon que ce soit moi, ou Hervé, ou certains membres, il y a une première conotation, les fumeurs de chanvre, une autre conotation, les marabouts… mais on accepte cela, ça fait partie de la vie de tous les jours. On aime bien cette coiffure là. A partir du moment où cela me rend beau et séduisant, pourquoi pas. (rires).

L’effort Camerounais : Je tiens déjà à apprécier votre projet, parce-que c’est très important surtout pour un quartier comme NB. Vous savez, nombreuxsont ceux là qui sont nés ici, qui sont enfants de NB, qui ont réussi, mais qui une fois sortis de NB ne pensent plus à aider NB à devenir un espace où l’on sent aussi de la vie. Je tiens surtout à remercier Yamguen qui voudrait aider la population de NB à comprendre que non, même si on sort d’ici on peut penser à vous. Et pour ceux qui ne pensent pas à NB, je dois le dire parce-que moi aussi je suis né à NB, c’est une fierté de réaffirmer sa Newbellité, sa newbellitude (rires). Et ensuite, je pense que ce n’est pas un crime que d’être dans un quartier comme New Bell. Parce-que New Bell est à l’image de l’homme dans sa nature. NB est un mélange de (51’50)…..raison pour laquelle on trouve ici des intelectuels, des grands sportifs, des hommes d’affaire, mais aussi des êtres marginaux. Il faudrait que les gens s’enlèvent de la tête que naître à NewBell est une fatalité. Et que ceux qui sont sortis de NB se disent que revenir à NB pour aider NB à avoir un autre regard, c’est très bien. Donc je vous encourage, je n’ai rien d’autre à dire, je vous demande d’aller de l’avant.

JcLanquetin : La plupart des artistes sont présents dans la salle, c’est peut-être aussi à eux qu’il faut poser des questions. Et si certains veulent intervenir.

Jules Wokam : Juste pour dire que lorsque on a initié ce projet, à aucun moment on a eu envie de donner des leçons aux gens, de dire aux gens ce qu’ils doivent faire ou qu’ils ne doivent pas faire. On a juste envie de vivre notre vie comme on le vit tous les jours, avec d’autres personnes, et aussi avec les habitants du quartier. Tous les soirs lorsque l’on vient voir Yamguen chez lui, on s’asseoit au bord de la rue et on boit une bière. Ce qu’on a fait c’est inviter d’autres personnes à partager cette bière là avec nous et avec les autres habitants du quartier. Et aussi par rapport à la question de Sergio sur ce qu’on laisse à NewBell. Ce qu’on laisse ce n’est pas forcément un objet physique, quelque chose qu’on va voir tous les jours et qu’on appréhende. Ce qu’on peut laisser c’est aussi dans la tête, c’est aussi ce qu’on porte tous les jours, ce qu’on traine lorsqu’on va ailleurs, on rencontre des gens. C’est aussi dans l’esprit qu’on a voulu laisser des choses, et non pas forcément des objets physiques et matériels. Speaker/fin.

Cloture de M. Ondoua : En fait de conclusion, je crois qu’on pourra les tirer ce projet sera à son terme. Là on pourra faire une évaluation pour savoir ce qu’on a retenu de ce projet. Mais sinon mon souhait c’est que nous persévérions dans cet effort. Il faut que nous nous tenions la main afin que ce projet atteigne son terme. Et cela n’est pas la seule affaire des membres du collectif. Je suis très fier que les uns et les autres se soient donnés la peine et que pendant le temps que cette manifestation va durer, nous continuions à faire un effort de meubler les différentes articulations de ces assises, afin qu’ils ne se sentent pas les mains le long du corps. En se disant « on a frappé un coup d’épée dans l’eau » et puisque nous sommes là, nous nous adressons à des murs. Notre présence encouragera tous ceux qui sont impliqués dans ce projet et ce souhait que je peux émettre. Et pour ce qui est de la conclusion, on verra bien à la fin, merci.

Speaker again fin qui annonce la pose photo.

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

Douala en habit de festival 

Dominique Malaquais

In Africultures Numéro 73

Les festivals ont incontestablement un impact sur le tissu urbain des villes qui les
accueillent. Le plus visible est l’architecture au sens le plus courant du terme, avec la
construction d’édifices créés spécialement pour l’événement (le Musée Dynamique érigé
pour le Festival des arts nègres en est l’un des exemples les plus frappants). Sur un mode
plus discret et diffus, les Scénographies Urbaines organisées à Douala en 2002-03 ont su
créer un espace alternatif dans la ville, offrant un lieu de contestation des visions officielles
de l’espace urbain. Outre le compte rendu de cette expérience, le récit de Dominique
Malaquais décrit aussi un mode de travail dans la proximité et la négociation qui affecte et
imprègne l’espace urbain par la rumeur et dans la durée – loin de la lourdeur de bien des
manifestations festivalières.

(…)

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

New Bell en peinture 

Essombe Mouangué

In  Africultures / Avril 2003

Les artistes dans la rue New Bell, (1) l’un des quartiers les plus emblématiques de la ville de Douala, accueillait « Les Scénographies Urbaines » de novembre 2002 à janvier 2003. Un atelier de création et d’exposition d’œuvres plastiques s’inspirant de l’environnement immédiat. Plus de trente artistes camerounais et internationaux invités.  

(…) 

–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

 

 Ars&Urbis

 Lionel Manga
In Africa e Mediterraneo
(…) le cercle Kapsiki s’est récemment illustré avec les Scénographies Urbaines. Un concept d’immersion artistique temporaire cette
fois-là à New Bell, un autre quartier populaire de Douala, avec l’interculturalité et la pluridisciplinarité
comme toile de fond de cette expérience originale. Depuis lors, de plus en plus de jeunes des environs du
site des Scénographies se découvrent des vocations et viennent frapper a la porte du local de Kapsiki.
Dixit le principal instigateur, Hervé Yamguen. (…)
–––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––
Entretien de Virginie Dupray avec Jc Lanquetin
In Africultures Numéro 54
Comment ont débuté ces « Scénographies urbaines » au Cameroun ?

Jean-Christophe Lanquetin : J’ai rencontré le collectif Kapsiki et ses cinq plasticiens, Blaise Bang, Salifou Lindou, Jules Wokam, Hervé Youmbi et Hervé Yamguen lors d’une première visite à Douala en 1999. Je devais mener, à la demande du metteur en scène Barbara Bouley, un atelier de scénographie avec les artistes du Collectif. Au lieu de nous orienter vers une scénographie éphémère, nous avons décidé de construire un théâtre itinérant, le théâtre itinérant d’Eyala pena, ce qui signifie « Parole contemporaine » en langue douala. Dans le cadre de cette construction, nous avons circulé avec le Cercle dans les quartiers populaires de la ville, ils m’ont emmené sur leurs lieux de vie. Et c’est ce regard sur cet espace urbain qui a été le déclencheur à la fois de la construction du théâtre et du désir de croiser les regards sur cet environnement : un environnement qu’ils ne voyaient plus à force d’y être plongés, mais qui pourtant nourrit sans cesse leur travail de création. 
(…)